Les muscles privés de glycogène ne deviennent pas systématiquement des moteurs poussifs. Dans le peloton de tête de l’endurance, certains athlètes misent sur une alimentation très pauvre en glucides, et leurs performances tiennent bon, qu’il s’agisse de puissance ou de récupération après l’effort.
Des travaux scientifiques révèlent que l’augmentation de l’utilisation des acides gras et des corps cétoniques permet parfois de maintenir, voire d’optimiser, l’efficience énergétique lors d’efforts prolongés. Mais cette adaptation métabolique divise encore, tant elle dépend du sport et du profil individuel.
Le régime cétogène : principes et fonctionnement chez les sportifs
Le régime cétogène, aussi appelé régime keto ou low carb, s’est invité sur la scène des sports d’endurance et d’ultra-endurance. Son fonctionnement bouleverse les codes : on restreint sévèrement les glucides, on privilégie les lipides, on ajuste la part des protéines. Ce changement de cap force l’organisme à réviser sa stratégie énergétique.
En limitant l’apport en glucides, le corps entre en cétose : il se met à fabriquer une grande quantité de corps cétoniques. Ces molécules servent alors de carburant aux muscles et au cerveau, prenant le relais du glucose. Cette transition n’a rien d’immédiat : il faut souvent plusieurs semaines pour que l’athlète tire pleinement parti de l’énergie issue des lipides et des cétones pendant l’effort.
Voici les grandes lignes de la répartition alimentaire dans ce régime :
- Glucides : la quantité chute à moins de 50 g par jour, ce qui représente un défi pour ceux habitués au sucre.
- Lipides : ils couvrent 70 à 80 % des apports caloriques, en privilégiant aussi bien les acides gras saturés qu’insaturés.
- Protéines : limitées à 15 à 20 % pour préserver la masse musculaire sans sortir de la cétose.
En mettant l’accent sur les graisses comme source principale d’énergie, ce modèle alimentaire remet à plat les fondements de la nutrition sportive classique. La phase d’adaptation, souvent éprouvante, exige rigueur et préparation. Les sportifs qui s’engagent sur cette voie doivent composer avec une réorganisation profonde de leur gestion de l’énergie, bien loin du modèle traditionnel basé sur le glycogène.
Quels effets sur l’endurance, la force et la récupération ?
Pour les athlètes d’endurance, le régime cétogène modifie en profondeur la gestion de l’énergie. L’oxydation des lipides grimpe en flèche, les muscles apprennent à puiser dans les réserves de graisses, le glycogène devient accessoire. D’après Cao et al. (2021), cette adaptation permet de mieux brûler les graisses, mais l’impact sur la performance aérobie (VO2 max ou vitesse de course) reste neutre, voire légèrement négatif. Louisa Burke, spécialiste reconnue, relève que les performances plafonnent, parfois diminuent, dès lors que l’intensité dépasse 70 % du VO2 max.
Dans les sports à haute intensité, le verdict est plus tranché. Les études de Shaw et al. (2019) et Skovbro et al. (2011) signalent une baisse nette de la performance, en raison d’une moindre disponibilité des glucides et d’une activité mitochondriale réduite. L’effort devient plus coûteux, la sensation de difficulté augmente. Les disciplines collectives ou celles qui imposent des accélérations et des efforts répétés s’en ressentent particulièrement.
Concernant la récupération musculaire, le régime cétogène pourrait avoir un effet modérateur sur l’inflammation post-exercice. Certains adeptes de l’ultra-endurance apprécient la stabilité énergétique qu’offre l’utilisation prolongée des lipides. Cependant, la plupart des études, comme celles d’Erlenbusch et al. (2005) ou Burke et al. (2017), confirment la supériorité d’un régime riche en glucides pour atteindre une performance et une récupération optimales.
Pour résumer les observations issues de la littérature scientifique :
- Endurance prolongée : intérêt possible pour les efforts longs à faible intensité
- Haute intensité : recul de la performance dès que la cadence s’accélère
- Récupération : effet anti-inflammatoire envisageable, mais preuves limitées
Adopter le cétogène en pratique : conseils pour les athlètes
Les promesses autour du régime cétogène et de la performance sportive pullulent, mais la réalité impose de garder les pieds sur terre. Les disciplines à catégorie de poids, boxe, lutte, haltérophilie, voient parfois leurs sportifs adopter le keto pour une perte de poids rapide avant la pesée. En limitant fortement les glucides, la perte d’eau et de masse grasse est accélérée sur le court terme. Mais prolonger cette stratégie sans adaptation fragilise la récupération et rogne la puissance sur les efforts intenses.
Un passage réussi au low carb ne s’improvise pas. L’organisme exige plusieurs semaines pour modifier son métabolisme. Les ressentis fluctuent, la fatigue peut survenir, et même les sportifs confirmés ne sont pas à l’abri de la fameuse « grippe cétogène ». Pour limiter les écueils, mieux vaut s’appuyer sur l’expertise d’un nutritionniste ou diététicien, qui saura adapter les apports en lipides et en protéines tout en prévenant les déséquilibres.
Dans certaines disciplines (sprint, haltérophilie), introduire une petite dose de glucides autour des séances peut limiter la perte de puissance. Le principe d’individualisation prévaut : chaque sportif réagit différemment à la restriction glucidique. Un suivi régulier des marqueurs de santé et une attention particulière au calendrier des compétitions sont vivement recommandés.
Pour limiter les risques, gardez en tête les recommandations suivantes :
- Consultez un professionnel avant toute modification alimentaire majeure.
- Prévoyez la période d’adaptation en dehors des compétitions.
- Surveillez régulièrement vos sensations, l’évolution de votre poids et la qualité de votre récupération.
Pour aller plus loin : ressources et points de vigilance à connaître
Le régime cétogène n’est pas sans répercussions sur le corps. Passer à une alimentation très pauvre en glucides s’accompagne souvent de symptômes bien identifiés : la grippe cétogène (fatigue, irritabilité, maux de tête, troubles de la concentration) reflète l’effort d’adaptation du métabolisme. Parfois, des désagréments digestifs persistent : ballonnements, inconfort, transit perturbé.
L’équilibre psychologique n’est pas à négliger non plus. Difficultés de concentration, baisse de l’envie de s’entraîner, tout cela pèse sur la motivation. Lorsque la récupération est incomplète, le risque de blessure grimpe. Côté immunité, la littérature scientifique mentionne une réduction possible de l’assimilation des glucides exogènes lors des compétitions, ce qui peut avoir un impact sur les performances durant les moments décisifs.
Pour approfondir, voici quelques pistes à explorer et précautions utiles :
- Consultez des publications fiables (méta-analyses, articles de Louise Burke, Cao et al. 2021, Shaw et al. 2019) afin de cerner les effets réels du régime keto sur la performance.
- Maintenez un dialogue régulier avec un professionnel de santé pour adapter votre alimentation et détecter toute alerte.
- Gardez l’œil sur les éventuels effets secondaires, même minimes, pour préserver votre santé et votre capacité à vous entraîner.
Changer de carburant, c’est parfois changer de trajectoire. À chacun d’interroger ses besoins, ses ambitions et sa capacité d’adaptation pour faire le choix le plus cohérent avec sa discipline et son corps.

